B. BREART. LES HORTILLONNAGES

Dernière mise à jour de cette page: 27 mai 2025


« A l’heure où prévalent sur la planète la mondialisation financière et la tyrannie des marchés, le retour à d’autres valeurs s’impose. Il s’inscrit dans ce nouvel humanisme aucun chacun aspire, fondé sur un rapport harmonieux de l’homme et de la nature et sur une étroite solidarité des humains entre eux »                                 (Pelt J.M.)

 

Les Hortillonnages et l'Académie.

Contribution de nos académiciens à l'histoire du site et à sa notoriété 

 

Avant-propos

Après m'avoir accueilli au sein de leur académie, protocole oblige, j'ai dû la remercier en présentant mon discours de réception. Cette séance publique s'est tenue à Amiens, salle Dewailly, le 15 mars 2023.

Pour l’exercice qui m’était demandé, j’ai voulu savoir si nos académiciens avaient manifesté un quelconque intérêt pour nos Hortillonnages, qui depuis près de huit siècles, avant d’être ce haut-lieu touristique (plus de 200 000 visiteurs par an), n’était qu’un espace productif essentiellement voué aux cultures maraîchères.

Dans un premier temps, la simple consultation des discours de réception publiés (et accessibles) de l'académie m’apporta une réponse positive.

 

Il ne m’était pas possible dans le temps imparti de présenter l’ensemble de mes recherches, mon intervention a donc porté sur une période de deux ans, du milieu du XVIIIème siècle qui a vu la naissance de l'académie avec l’un des plus illustres personnages de l’époque, Jean-Baptiste Gresset, jusqu’au milieu du XXème, à un moment où la mutation du site a été largement entamée, une mutation irréversible qui transformera un espace essentiellement productif en un espace majoritairement récréatif (avec la régression du maraîchage si nous considérons que le jardinage est une activité de loisirs)

 

Mon intervention ne porta donc pas sur l’histoire et les origines de nos hortillonnages que j'ai pu traiter en d'autres temps, en d'autres lieux...

BB


Publication : Conférence de Bruno Bréart présentée le 15 mars 2023 auprès de l'Académie des Sciences, des Lettres et des Arts d'Amiens (dans le cadre de ses séances publiques) et publiée en 2024 dans le volume (2022-2023) des MEMOIRES de l'Académie des Sciences, des Lettres et des Arts d'Amiens, pp. 353 à 371.


Vous pourrez lire la suite de l'article en consultant le site de l' Académie des Sciences, Lettres et Arts d'Amienswww.asla-amiens.fr  *  Il devrait être mis en ligne prochainement...


Diaporama présenté lors de la conférence (conception réalisation: Bruno Bréart)

 

Extraits de la conférence:

 

DIA    R. AGACHE, hommage

    Il m’a fallu choisir un sujet. J’avoue avoir beaucoup hésité. J’aurais pu vous parler de l’archéologie picarde, une archéologie vue d’en haut, ce qui m’aurait permis une nouvelle fois d’évoquer tant de belles années passées avec l’un de vos anciens illustres confrères. Vous me permettrez, à cet instant, d’avoir une pensée pour Roger Agache, le chercheur infatigable et obstiné qui a tant contribué à l’histoire de notre région et qui m’a permis de prendre mon envol…

 

DIA    N. PELOSSOF, hommage

    Et bien NON, mon choix s’est porté sur un autre sujet. J’ai souhaité en effet évoquer devant vous une autre passion, bien ancienne, qui remonte :

-  à une époque où l’on commença à entrevoir la réhabilitation du vieil Amiens, donc dans les années 70 (1970 !)

-  à une époque où Nisso Pelossof, photographe bien connu des Amiénois, s’opposa à un projet fou nait dans la tête d’une administration irresponsable,

- à une époque où cet Amiénois d’adoption contribua au sauvetage d’un site considéré désormais, à juste titre, comme un site historique et environnemental exceptionnel…

    Et bien OUI, j’ai choisi de vous parler des hortillonnages, de « nos » hortillonnages, de « mes » hortillonnages.

Point n’est besoin de préciser « hortillonnages d’Amiens », tant ce site est unique, bien circonscrit à cette portion de la vallée alluviale de la Somme, en amont de l’ancienne capitale picarde.

 

DIA   Hortillonnages, 300 ha …

    Aujourd’hui, les hortillonnages couvrent un espace de près de 300 hectares de terre et d’eau, au cœur même de la vallée de la Somme, inégalement répartis sur quatre communes : Amiens, Rivery, Camon et Longueau.

 

DIA   Hortillonnages, haut-Lieu touristique

    Certains, parmi vous, ce soir, pourraient s’étonner de ce choix, car … que pourrait-on apprendre que l’on ne connaisse déjà sur un site reconnu comme étant parmi les plus visités de notre ville, après la cathédrale, partageant la deuxième place en termes de fréquentation, selon les années, avec le parc zoologique (soit près de 200 000 visiteurs en barque sur une période de 7 mois) ?

 

DIA   Hortillonnages, haut-lieu touristique 2

    Cet attrait pour nos hortillonnages ne date pas d’aujourd’hui. Sa fréquentation par un large public est d’ailleurs historiquement liée à l’évolution du site. Au XIXème siècle, alors que l’activité maraîchère était en plein essor, les lieux étaient déjà parcourus par nombre de citadins qui trouvaient là un lieu particulièrement apprécié pour son environnement, pour les promenades au fil des canaux (nos rieux) ou pour l’accès aux activités sportives et récréatives, sans oublier les activités liées à la pratique de la pêche et de la chasse au gibier d’eau.

DIA  Souvenirs…

    Certains se souviendront de la piscine de l’ Ile aux Fagots, du bassin privé de Fémina Sports, de « ch’coucou qui kante » le long du chemin de halage, des guinguettes de l'île Robinson, de l’île aux Tilleuls, de l’ auberge du Pré Porus, certains se souviendront peut-être de l’Ile d’Amour, aujourd’hui disparue, engloutie dans l’ étang de Clermont…),

    Les Amiénois se souviennent certainement de « l’île aux fagots » de l’ancienne piscine et de l’école de natation Le bassin de natation à ciel ouvert, créé par des négociants en 1840 fonctionnera jusque dans les années 1960. L’inauguration à Amiens du centre aquatique aquapole en 2019 a été l’occasion de rappeler la carrière parisienne et les performances du grand champion de natation, Gérard Meister (1889-1967), avant que celui-ci ne prenne, en 1921, la direction de cette école de natation.

    Cet îlot tirerait son nom en souvenir du dépôt en ces lieux des fagots dont les hortillons se servaient pour lester les bâches maintenues humides déposées sur les légumes embarqués afin d’assurer la fraîcheur des productions amenées au marché. C’est surtout l’un des lieux de loisirs qui fut pendant plus d’un siècle, parmi les plus fréquentés d’Amiens : l’ancienne piscine était connue sous le nom familier « d’île auf »

    Les Amiénois se souviennent des lieux de distraction, des petits cafés le long du chemin de halage, des guinguettes implantées à l’intérieur du site ou sur le bord de la Somme. Parmi les plus connues et les plus anciennes, la seule qui ait subsisté est l’auberge du Pré Porus, en rive gauche de la Somme, une ancienne maison de campagne occupée par un abbé de Saint-Acheul (M. Poussemothe de l’Etoile) transformée en guinguette au XVIIIème siècle sur une île qui sera baptisée « l’île aux plaisirs »).

    Des îles, il y en eu bien d’autres, comme l’île Robinson, l’île des Tilleuls, l’île des groseilliers, et l’île d’amour aujourd’hui disparue, engloutie dans l’étang de Clermont.

    Dans une Notice sur la ville d'Amiens, publiée par H. Dusevel en 1825 (1), on pouvait lire, le passage suivant :

« Le Pré Porus, situé à l’extrémité de la Voirie, était le point où les Amiénois se rendaient en foule, pour jouir du spectacle de la chasse aux cygnes, chasse qui se faisait de nuit et aux flambeaux, le premier mardi d’août. On en attribue l’origine à l’usage qu’avaient l’évêque et le vidame d’Amiens, le chapitre, l’abbé de Corbie et les seigneurs de Rivery et de Blangy se partager chaque année les jeunes cygnes de la rivière de Somme, et de les faire marquer d’un fer chaud, afin de pouvoir distinguer ensuite plus aisément à qui d’entr’eux ces oiseaux appartenaient. Cette chasse cessa en 1704. Le Pré-Porus lui-même fut vendu, il y a quelques années ; les arbres, qui en formaient un bosquet agréable, ont été abattus » (pp. 98-99)

_________________________________________________________________________________________________________________

(1)      Dusevel H. et Machart R. (1825). Notice sur la ville d’Amiens, ou description sommaire des rues, places, édifices et monumens les plus remarquables de cette ville, accompagné d'un précis des événemens qui s'y rattachent, Amiens, Libr. Allo-Poiré, 1 vol. 122 p.

 

    En empruntant, au pied du pont Beauvillé, à partir du « Fil de l’eau », le chemin de halage jusqu’au premier petit pont que vous ne franchirez pas, une petite passerelle sur votre gauche vous permettra d’accéder au bâtiment qui abrite un centre d’initiation à l’environnement construit au début des années 1980 et à un bassin rectangulaire où stationnent quelques barques. Cet équipement pédagogique s’est installé à l’emplacement de l’ancienne école de natation et de l’ancienne piscine. Le bassin de natation à ciel ouvert, créé par des négociants en 1840 fonctionnera jusque dans les années 1960.

   

    Au début du XXème siècle, l’édition et la diffusion des premières cartes postales ont contribué à faire connaître nos hortillonnages. Ces documents sont aujourd’hui de précieux témoignages qui illustrent, entre autres, l’occupation des lieux à cette époque. Lorsque vous consultez la presse de l’époque, régionale ou nationale d’ailleurs, il n’est pas rare de tomber sur des petites annonces invitant les membres de sociétés savantes, sociétés d’histoire ou de géographie, société photographique… pour une excursion à Amiens avec une visite de nos hortillonnages.

 

DIA    L’histoire des hortillonnages

    A l’aube du XXème siècle, Pierre Dubois (1873-1942), alors directeur de la bibliothèque municipale d'Amiens et membre de votre académie, publia un état des connaissances acquises sur les hortillonnages et ses occupants, une synthèse intéressante (sur laquelle je reviendrai) où il a pu déclarer que « l’histoire du site restait à écrire ».

    Ce soir, dans le temps qui m’est imparti, je ne pourrai pas m’attarder sur la genèse de ces hortillonnages, sur leur évolution, sur leurs caractéristiques qui en font un site unique. Je ne pourrai pas plus m’attarder sur cette communauté si particulière, celle des maraîchers que l’on nommera très tôt «ortillons » (sans « h ») bien avant qu’on ne parle « d’ hortillonnages ». Des générations d’hortillons qui, de père en fils, ont su aménager, étendre, entretenir et nous léguer ce patrimoine sensible qui n’a pas été épargné jusqu’à une période récente… et sur lequel pèsent encore aujourd’hui de nouvelles menaces…

    Ce sont là des sujets que j’ai pu développer en d’autres lieux, en d’autres occasions, par exemple à l’occasion de conférences et que j’ai pu traiter sous la forme d’un manuscrit (à la recherche d’un éditeur !)

    Je me contenterai de rappeler, qu’après avoir été attribuée, tout au long du XIXème, tour à tour aux Hollandais, aux Romains, puis aux armées romaines quand ce n’était pas à César lui-même (comme on peut le lire encore aujourd’hui), le développement des activités maraîchères qui donnera lieu à nos hortillonnages remonte bien à l’époque médiévale.

    Les historiens et particulièrement les médiévistes connus pour l’excellence de leurs travaux (comme Robert Fossier pour la Picardie) s’accordent pour situer au XIIème, et plus encore au XIIIème siècle, le développement des activités maraîchères autour de villes implantées au bord de l’eau, comme Amiens. Pour R. Fossier (1974), vers le milieu du XIIIème siècle, on entreprit :

« un renforcement des terres amphibies, par apport de terre, colmatage, drains, lutte contre les rongeurs. Cette lutte généralement individuelle et presque sans cesse remise en question, donna naissance aux hortillonnages qui constituent toujours une des originalités de l’agriculture picarde »

    Quant à Marie-Thérèse Quinson (1981) qui a également travaillé sur l’histoire de la Picardie, elle notera en 1981 : 

« Les travaux de Robert Fossier ont fait ressortir que la Picardie était, au milieu du XIIIème siècle, l’une des régions les plus peuplées de France… /… L’accroissement rapide de la population, des hommes mieux nourris, purent entreprendre la conquête de nouveaux sols…/… Dès la deuxième moitié du XIIIème siècle, l’esprit de profit ayant gagné les maîtres du sol, ceux-ci cherchèrent à développer des cultures de bon rapport ; c’est l’origine de la culture de la guède, de celle des produits maraîchers… »

    Elle ajoutera :

« Les cultures maraîchères et fruitières prirent de l’extension au XIIIème siècle, lorsque le développement des villes, des changements intervenus dans l’alimentation, liés à une aisance plus grande pour un nombre plus important d’individus, firent entreprendre des perspectives de profits intéressants. De cette époque, date le développement des hortillonnages d’Amiens »

    Le dépouillement des rares sources manuscrites disponibles nous confirment que les témoignages les plus anciens remontent au XIIIème siècle.

 

DIA  Une notoriété acquise au fil des siècles…

    Ce soir, j’ai donc souhaité évoquer la place tenue par nos hortillonnages dans le monde agricole du pays et rappeler la réputation dont bénéficièrent nos hortillons depuis plusieurs siècles. bien avant que le site ne soit voué au développement du tourisme…

 

    Mesure-t-on réellement, aujourd’hui, cette notoriété ?

    On pourrait en douter. On cherchait encore, il y a peu, à Amiens, un lieu, un espace parmi les lieux culturels de la ville ou de ses environs, qui rappelât l’importance de cette communauté originale - les hortillons - responsables de la transformation de nos marais en une multitude de petites îles mises en culture. J’ai, en 2015, salué l’heureuse initiative privée d’un couple d’hortillons (parmi les derniers) - le couple Nowak bien connu des Amiénois - qui créa à Rivery, au cœur des hortillonnages, un petit écomusée essentiellement dédié à ces générations d’hortillons (ils sont dans la salle, je les remercie d’ailleurs au passage pour m’avoir invité à participer à l’élaboration de leur projet).

 

DIA   L’implication de nos académiciens (tableau)

    J’ai souhaité, par la même occasion, m’interroger sur la contribution de nos académiciens à l’histoire et à la promotion de ce qu’il convient de considérer comme un des éléments du patrimoine historique, culturel, et environnemental de notre région…

    Les Hortillonnages ont été une source d’inspiration pour nombre d’auteurs, écrivains, poètes, artistes. De nombreux personnages illustres - dont il serait illusoire de vouloir dresser ici une liste exhaustive –

-  ont donc visité les hortillonnages et le pittoresque « marché sur l’eau » aux abords de la cathédrale,

-  ont rendu compte de leurs passages ou se sont inspirés des lieux pour produire, ici, poèmes, nouvelles ou romans; là, nombre de toiles et de dessins …

    Votre académie accueille depuis le milieu du XVIIIème siècle, des personnalités aux origines diverses, dignes représentants des sciences, des lettres et des arts. J’ai voulu savoir si nos académiciens avaient été sensibles

-   à ce pouvoir de séduction,

-   si ceux-ci avaient manifesté un quelconque intérêt pour ce site péri-urbain, qui depuis près de huit siècles (peut-être plus ?), avant d’être ce haut-lieu touristique, n’était qu’un espace productif essentiellement voué aux cultures maraîchères.

    En parcourant les mémoires régulièrement édités par votre académie (du moins ceux qui ont été sauvegardés), j’espérai bien relever quelques précieux témoignages directs ou indirects sur nos hortillonnages. Mes recherches ne furent pas vaines. Les réflexions ou travaux de plusieurs membres de l’académie d’Amiens (que l’on distingue ici sur le tableau, sur fond brun) ont alimenté mon propos. Quelquefois, pour compléter mon exposé, j’ai dû avoir recours à d’autres personnalités appartenant à d’autres académies régionales (comme François de Neufchateau, Héricart de Thury pour ne citer que les plus importants) ou alors à des membres de l’Institut (comme Henri Baudrillart) ou de sociétés savantes. Je m’attarderai sur certains d’entre eux en tentant de bien distinguer ce qui a été leur contribution à la connaissance et à la promotion de nos hortillonnages. Je passerai par contre rapidement sur d’autres.

    Je me suis limité à la période allant de 1750 - date de création de l’Académie - à 1950, considérant qu’à partir du milieu du XXème siècle le site avait déjà bien entamé sa mutation, avec la disparition prévisible et progressive des derniers hortillons…

 

DIA   La reconnaissance de N. BONNEFONS, valet du roi …

    Cette notoriété est antérieure à la fondation de l’Académie. Parmi les plus anciens témoignages, je signalerais une citation qui démontre l’intérêt que l’on portait déjà, sous Louis XIV, à nos hortillons. Ainsi, le valet de chambre du roi, Nicolas de Bonnefons, connu pour être un célèbre agronome et l’auteur d’un manuel très populaire au XVIIème siècle, qui sera maintes fois réédité : « Le jardinier François » (français), n’hésitait pas à évoquer dès 1651 les hortillons picards : Sa formule sera maintes fois reprise (et souvent remaniée) par la suite par nombre d’auteurs, comme Pierre Dubois que nous avons déjà cité (en 1907, puis en 1913 après avoir reporté les corrections nécessaires !) ,  :

« … Au XVIIIè siècle (sic), la réputation des hortillons était assez notable pour que, dans un traité général (Le Jardinier françois), Nicolas de Bonnefonds (sic) leur délivre ces lettres de noblesse professionnelle : Ils méritent véritablement l’honneur d’être appelés les meilleurs et les plus curieux jardiniers pour les potages que tous les autres de toutes les provinces  de France, car, soit que la terre ou le climat y contribuent beaucoup, ou que ce soit par leur industrie et travail, leurs herbages sont tout d’une autre grandeur et largeur qu’aux autres endroits » (Pierre Dubois, 1907) 

« Rien de plus curieux que les hortillonnages amiénois, îlots aménagés pour la production maraîchère intensive sur les deux rives de la Somme. Les hortillons, disait au XVIIème siècle Nicolas de Bonnefons, « méritent véritablement l’honneur d’être appelés les meilleurs et les plus curieux jardiniers pour les potages » (Pierre Dubois, 1913)

    La vraie citation, comme vous pouvez le constater, est la suivante : Lorsqu’il s’intéresse à la Bette (ce légume que nous connaissons également sous le nom de blette ou de poirée, un légume que vous appréciez certainement) Nicolas Bonnefons précise :

« Ainsi la nommerons-nous à l’initiative des Picards, qui méritent l’honneur d’eftre appellez les meilleurs, & les plus curieux Jardiniers pour les Potages, que tous les autres de toutes les Provinces de France… »

 

DIA  N. BONNEFONS 2 . De bonnes graines …

    Il va de soi que lorsque Nicolas Bonnefons cite en exemple les Picards, il pense bien aux hortillons d’Amiens qu’il désigne d’ailleurs quelques pages plus haut lorsqu’il fait référence à la qualité des graines que ces derniers produisent pour la culture de leurs melons :

« La meilleure graine que nous ayons vient de ces Hortillons d’Amiens, qui en élèvent de très bien conditionnées dans leurs Marais » (Nicolas Bonnefons, p.188)

    Cette citation sera reprise au XVIIIème siècle lorsque Noel Chomel publiera en 1709 puis 1767 son « Dictionnaire oeconomique contenant l’art de faire valoir les terres et de mettre à profit les endroits les plus stériles… » (p. 216)

    Au début du XVIIIème siècle, dans son « Dictionnaire oeconomique contenant l’art de faire valoir les terres et de mettre à profit les endroits les plus stériles… » (1ère éd., Lyon, 1709, maintes fois réédité), Noël Chomel n’omet pas de signaler les Hortillons parmi les Maraîchers (p. 138). Dans une nouvelle édition (Paris, éd. Gaveau,1767), corrigée et augmentée par M. de la Marre (1), ce dernier souligne la qualité des graines, notamment celles des raves, produites par les hortillons (Rubrique : « Potager ») 

« Ces sortes de guirlandes ou festons se succèdent, couvrent et décorent ainsi, en les désignant, les façades des maisons de ces industrieux jardiniers, et leur donnent un aspect tout-à-fait pittoresque.  Ils apportent les plus grands soins dans la récolte des graines et des semences qui sont devenues pour eux une branche importante de commerce avec la France et l’étranger » (Héricart de Thury, 1838)

 

DIA    De bonnes graines… pour de bons légumes

    La qualité des graines produites par nos hortillons, on l’aura compris, sera à l’origine de la production des si beaux légumes qui ont séduit tant d’auteurs tout au long des XIXème et XXème siècles :

« pour la culture des légumes, les Hortillons, soit jardiniers d’Amiens, pourraient bien avoir des procédés et des méthodes supérieures aux jardiniers légumiers de Paris .../...

Nous ne connaissons autour de Paris aucune culture maraîchère aussi perfectionnée et aussi productive » (Marc Antoine Puvis, 1839)

« Les terrains tourbeux, les tourbes elles-mêmes de bonne qualité conviennent essentiellement à la culture de la plupart des légumes.' La France n'a point de jardins plus productifs que ceux des hortillons d'Amiens, établis dans des terrains tourbeux… » (A. Puvis, 1868)

« … quant aux légumes et aux fruits, ils sont dignes des plus opulentes sensualités, grâce aux hortillons, ainsi nomme-t-on les cultivateurs établis de père en fils entre la Somme et l’Avre, dans les jardins maraîchers ou hortillonnages que rafraîchissent et fertilisent cent canaux et ruisseaux de ces deux rivières » (Louis Barron, 1899).

    Je pourrai multiplier les citations sur le sujet. Je ne résiste pas à vous lire celle de notre académicien Pierre Dubois qui, en 1907, rappelle l’importance des amendements, et qui signale la prudence des hortillons face à l’introduction de nouveaux engrais et le secret en ce qui concerne leur propre production de graines qu’ils garderont jalousement : 

« Ils ne veulent pas d’autres semences que celles qu’ils font eux-mêmes et qui, pendant le séchage, s’alignent en chapelets bizarres. Les graines non récoltées dans leur sol tourbeux « ne viendraient pas dans les aires » …/…

Ainsi les hortillons se tiennent éloignés de parti pris de toute occasion d’enseignement de l’active Société d’horticulture de Picardie ; ils ont, certain soir, fort mal reçu le professeur qu’elle leur envoyait, venu, dirent-ils, pour « surprendre leurs secrets.

De secret, ils n’en ont qu’un, très simple : leur acharnement à un travail que reçoit une terre exceptionnelle » (Pierre Dubois, 1907).

 

DIA   Les XVIIIéme et XIXème, l’âge d’or de nos hortillonnages…

   Le moment est venu de comprendre pour quelles raisons nos hortillonnages ont connu un tel succès, un succès amorcé à la fin du XVIIIème, après la Révolution, mais surtout tout au long du XIXème siècle, considéré à juste titre comme étant l’âge d’or des hortillonnages. L’une des principales préoccupations des auteurs sera alors de se pencher sur les perspectives de développement de l’agriculture française avec le souci

- de « faire valoir les terres et mettre à profit les endroits les plus stériles » pour reprendre le titre de la publication en 1709 de Chomel que je viens d’évoquer,

- ou « d’étendre et de perfectionner la culture des prairies artificielles », titre d’une autre publication importante, un ouvrage de François Hilaire Gilbert qui sera couronné par l’Académie d’Amiens en 1787 mais qui ne sera publié qu’en 1880…

   Les préoccupations de l’époque sont effectivement

-  la recherche de nouvelles terres (avec la préconisation de desséchement des marais, la culture des prairies artificielles…)

Dessécher de tels marais, les mettre en culture, en faire de bonnes prairies, et, mieux encore, les convertir en jardins maraîchers, à l’instar des hortillonnages de la vallée de la Somme, était un immense service à rendre au pays… » (Héricart de Thury 1846)

-  puis le développement de l’enseignement de l’agriculture.

   Nous assisterons, à la fin du XVIIIème et à l’aube du siècle suivant, à ce qui m’apparaît, personnellement, comme une « renaissance » de nos hortillonnages. Un regain d’intérêt pour ce système d’exploitation de nos marais transformés en terres cultivables. Les principaux auteurs seront en effet des agronomes, des horticulteurs, des présidents et membres de sociétés savantes, des spécialistes et des enseignants du monde agricole, des économistes et des hommes politiques et, exceptionnellement, quelques historiens.

   Retenons que tous ceux qui ont eu une responsabilité dans le développement de l’agriculture française et son enseignement n’ont pas ignoré nos hortillons et l’originalité du système d’exploitation de nos marais, dans ce contexte si singulier, celui de la moyenne vallée de la Somme. Très tôt, la reconnaissance a été unanime. Vous ne pourrez parcourir un ouvrage ou un article traitant d’agriculture ou d’horticulture sans que les auteurs ne fassent référence à la qualité des terres tourbeuses cultivées et des légumes produits, au courage des hortillons… et des hortillonnes !

   Henri Hitier, membre de l’Académie d’Amiens, auteur de plusieurs articles comme ceux portant sur « L’étude sur l’utilisation des tourbes françaises en agriculture » publiée dans les annales de l’Institut national d’agriculture en 1886 ou sur les « Hortillonnages des environs d’Amiens » publié en 1891 dans les mêmes annales, écrira :

« Les hortillonnages des environs d’Amiens, formés au milieu de marais tourbeux, sont trop célèbres et à juste titre pour ne pas être cités, comme exemples à suivre, dans les transformations des terrains tourbeux avoisinant les villes » (Henri Hitier, 1891).

   Le géographe Albert Demangeon qui consacra un ouvrage à la Picardie écrira :

« Les plus célèbres de ces jardins se trouvent dans la vallée de la Somme, aux abords d’Amiens ; ce sont les « hortillonnages » …/… Par leur emplacement, comme par leur entretien, les hortillonnages représentant de véritables conquêtes sur le domaine aquatique …/… nulle part on ne sait faire produire à la terre ; nulle part un même terrain ne donne plus de récoltes en aussi peu de temps » (A. Demangeon, 1905)

« Ce sont les fameux hortillonnages d’Amiens ; tous ceux qui s’intéressent aux questions agricoles en ont entendu parler, mais on ne saurait s’en faire une idée quand on ne les a pas parcourus… » écrira en 1907 le géographe V. E. Ardouin-Dumazet   dans l’un de ses nombreux volumes rendant compte de ses voyages en France.   

 

DIA   F.H. GILBERT, un précurseur

« La Picardie ne pouvait rester en arrière du mouvement économiste, qui a marqué la seconde moitié du XVIIIème siècle… l’impulsion académique a donné naissance à plusieurs ouvrages… (Gilbert F. H., 1787, p. 140)

François Hilaire Gilbert, membre de l’Institut et de la Société Royale d’Agriculture de Paris, fut le lauréat d’un concours organisé par l’Académie d’Amiens. Le thème de ce concours : « les recherches sur les moyens d’étendre et de perfectionner la culture des prairies artificielles en Picardie ? », qui deviendra le titre d’un de ses ouvrages qui ne sera malheureusement publié qu’en 1880

   L’historien Albéric de Calonne consacrera en 1883 un ouvrage à « La vie agricole sous l’ancien régime en Picardie et en Artois » (1883), dans lequel il soulignera l’intérêt des travaux de F.H. Gilbert

« François-Henri Gilbert a pris soin de présenter des considérations variées et chacun de ses mémoires a le mérite d’une étude approfondie et pratique de la richesse du sol et des ressources de la province…/…

Les premières années du règne de Louis XVI marquent le point de départ de la révolution dans le vieil assolement triennal picard et artésien. Gilbert est en quelque sorte l’apôtre de la nouvelle méthode. Ses ouvrages, les encouragements du Gouvernement, l’exemple de quelques agronomes, du duc de la Rochefoucaud-Liancourt entre autres, ébranlent fortement la routine, et la jachère improductive, « véritable dimanche accordé à la terre », cède le pas à la jachère améliorante, notable progrès de l’économie rurale… » (A. de Calonne, pp. 80- 81)

 

DIA   La contribution de l’académie…

    En citant François Hilaire Gilbert, Henri Hitier, Pierre Dubois, tous trois membres de l’académie, comme nous venons de le faire, nous pressentions déjà l’intérêt porté par l’académie d’Amiens. Ceux-ci écriront les premières pages d’une histoire de nos hortillonnages…

« La société a voulu consacrer l’ouverture du dix-neuvième siècle par ses efforts et par ses vœux pour répandre et améliorer l’étude de l’agriculture » (François de Neufchateau, 1827, p.1)

   L’Académie d’Amiens ne sera donc pas étrangère à ce mouvement, d’autant plus que son histoire est marquée par le rattachement de l’Agriculture parmi ses principaux sujets d’intérêt.

Vous me permettrez un petit rappel : Dans le prolongement de la création d’un Cabinet des Lettres au début du XVIIIème siècle (en 1702 exactement), puis d’une Société Littéraire (qui s’activera de 1746-1750),

   L’académie des Sciences, arts et belles-lettres, créée à Amiens par lettres patentes de Louis XV du 30 juin 1750, à la sollicitation du duc de Chaulnes et de Gresset…  fut instituée principalement pour travailler à l’histoire de la province.

   Elle exercera ses activités intellectuelles jusqu’en 1792. Lui succèdera, à la fin du XVIIIème, la Société Libre d’Agriculture du Département (27 floréal an VI/1797-1798 – an XI/1802-1803), puis l’Académie des Sciences, Agriculture, Commerce, Belles-Lettres et Arts du Département de la Somme, qui deviendra l’Académie des Sciences des Lettres et des Arts d’Amiens que nous connaissons aujourd’hui.

   L’histoire de cette Académie a fait l’objet de plusieurs publications, comme par exemple, pour les plus anciennes, celle du Révérend père Daire en 1757, ou celle de l’historien amiénois Hyacinthe Dusevel, membre de l’académie, parue en 1825.

Ce dernier, auteur de plusieurs publications sur l’Histoire de la ville d’Amiens, a retenu toute notre attention. Ainsi nous précise-t-il qu’

« En l’an VII, la société libre d’agriculture avait été établie par l’administration centrale du département, sur l’invitation de M. François de Neufchâteau, ministre de l’Intérieur ».

 

DIA    Le Comte Nicolas François de Neufchateau

   Ce personnage m’intéresse à différents titres. Permettez-moi de vous le présenter :

Portraits du Comte Nicolas François de Neufchateau (1750-1828). (Aquarelle du sénateur du Premier Empire et portrait peint par Jean-Baptiste Isabey (1798), gravé en 1812)

   Il fut membre des Académies, des Sciences, Belles-Lettres, et des Arts de Dijon, Lyon, Marseille ; Président de la Société centrale d'agriculture (1808-1828), qui deviendra par la suite la Société royale et centrale d'Agriculture (puis, l'Académie d'agriculture de France),

   Cette éminente personnalité politique et agronome va s’intéresser au développement de l’agriculture et à son enseignement. Il sera notamment l’auteur

- d’un « Essai sur la nécessité et les moyens de faire entrer dans l’instruction publique l’enseignement de l’agriculture », qu’il présenta en 1802 à la Société d’agriculture de la Seine,

-  puis d’un Mémoire sur la manière d’étudier et d’enseigner l’agriculture…, publié en 1827 (Blois, Impr. Aucher-Eloy, 1827, pp. 45-47) dans lequel il manifestera d’ailleurs son intérêt pour nos hortillonnages.

« J’ai parcouru aussi avec le plus vif intérêt cet hortillonnage d’Amiens, assemblage de potagers placés dans un grand nombre d’îles que baignent les eaux de la Somme, et où les jardiniers peuvent aller que par eau. Chacune de ces îles est abritée au nord par des lisières de grands arbres. Les productions admirables de ces îles fleuries sont arrosées sans frais par les canaux qui les entourent. Une promenade en bateau dans cet hortillonnage est une partie de plaisir dans la belle saison, et dont l’enchantement semble tenir de la féerie… »   

 

DIA    Des aires aux hortillonnages…

   Pourquoi m’attarder sur cette personnalité ? Tout d’abord, François de Neufchateau, nous venons de le signaler, est à l’origine de la création de la Société libre d’Agriculture qui précèdera la réactivation de l’Académie. A partir de cette date, l’agriculture sera désormais rattachée aux Sciences, aux Lettres et aux Arts. A la tête de cette Société libre d’agriculture, nous trouverons un Azéronde, co-fondateur de la nouvelle société, et descendant d’une très ancienne famille, parmi les plus anciennes familles d’hortillons.

   Ensuite, François de Neufchateau serait parmi les premiers, sinon le premier, à utiliser le mot « hortillonnage »

   En effet, le mot « hortillonnages » apparaît tardivement, bien après que le mot « ortillon » ait été adopté pour décrire ceux qui, durant des siècles, auront transformés nos marais en terres cultivables …

   Le comte François de Neufchateau utilise le mot (au singulier) le 20 décembre 1815 lorsqu’il présente au cours d’une séance particulière de la Société royale et centrale d’agriculture de Paris une de ses études ayant pour titre : « Mémoire sur le plan que l’on pourroit suivre pour parvenir à tracer le tableau des besoins et des ressources de l’agriculture française » qui sera publiée en 1816 (Mémoires de la Société d’agriculture du département de la Seine (pp. 161-242], (Paris, éd. Mme Huzard). Texte que l’on trouvera également dans les Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, publiés en 1827 par la Société royale et centrale d’agriculture.

  Cette publication sera envoyée aux Sociétés d’agriculture et aux correspondans dans tous les départemens du Royaume, (2e éd., Paris : Mme Huzard, 1816, in-8°, 124 p.)

Evoquant les « jardins de l’agriculture citadine » :

 « Nous en avons quelques exemples, qu’on ne se lasse pas de voir et d’admirer ; tels que ces îlots de verdure, coupés de canaux réguliers, couverts au nord par de grands arbres, qui composent l’hortillonnage, dans la Somme, au-dessus d’Amiens… » (p. 70)

« On ne se lasse pas de voir et d’admirer ; tels que ces îlots de verdure, coupés de canaux réguliers, couverts au nord par de grands arbres, qui composent l’hortillonnage, dans la Somme, au-dessus d’Amiens » (François de Neufchateau, 1816)

Cette citation sera reprise intégralement quelques années plus tard par Héricart de Thury

   Evoquant les « jardins de l’agriculture citadine », Héricart de Thury note :

« Nous en avons quelques exemples, qu’on ne se lasse pas de voir et d’admirer ; tels que ces îlots de verdure, coupés de canaux réguliers, couverts au nord par de grands arbres, qui composent l’hortillonnage, dans la Somme, au-dessus d’Amiens… » (p. 70)

   Le lexicologue bien connu Alain Rey, auteur en 2006 du « Dictionnaire historique de la langue française » (Ed. Robert, 2006) confirmera que le mot n’est utilisé qu’à partir du XIXème siècle. Ce que nous avons pu vérifier nous-même en parcourant la littérature produite jusqu’au XIXème siècle.

 

   Plusieurs auteurs feront la confusion entre les deux mots, « hortillons » et « hortillonnages » utilisant le premier pour qualifier le second ; confusion qui n’a guère totalement disparue aujourd’hui.

   Le mot « aires » a précédé le mot générique « hortillonnages » pour désigner, jusqu’au début du XIXème siècle, les parcelles de terres aménagées dans la vallée. Pendant longtemps, les auteurs ne parlent que « d’aires » pour qualifier ces milliers de petites îles qui composent le paysage de nos hortillonnages. On disait alors des hortillons se rendant sur leurs terres qu’ils « allaient à z’aires ».

   Tout au long du XIXème, les auteurs s’attacheront à donner une définition plus au moins précise de ces aires, à l’origine de ce parcellaire si particulier, en damier diront certains,

« On appelle « aires », des jardins potagers d’une admirable fertilité qui s’étendent à plus d’une lieue le long des bords de la Somme et que séparent, les uns des autres, de petits canaux établis au moyen de saignées faites aux diverses branches de la rivière, sur lesquels on se promène en bateau dans les beaux jours. Ces jardins fournissent d’excellents légumes pour la consommation de la ville et des environs... » (C.A.N. Caron, 1833).

   Le vicomte Héricart de Thury, une autre personnalité éminente sur laquelle nous nous attarderons dans un instant en donnera la définition suivante en 1833.

« Ces marais, désignés sous le nom d’aires des hortillons, sont séparés les uns des autres par des rigoles ou petits canaux, qui servent à la fois de clôtures, de canaux d’arrosage et de moyens de communication » (p. 14) 

 

DIA    Comprendre le paysage, un paysage si particulier…

    Si nous souhaitons comprendre le paysage, nous devons poursuivre la description du site, en rappelant les principales composantes de ce paysage. Nous avons évoqué il y a un instant, les aires qui prennent la forme de parcelles plus ou moins longues mais surtout étroites (3 à 4 mètres) entourées de voies d’eau. Ces aires sont entourées d’une part de petits canaux (de 2 mètres de large environ), correspondant à nos rieux, puis d’autre part de fossés, de moindre largeur ; les premiers ayant pour principale fonction de permettre la navigation des embarcations (le croisement de deux barques à cornet) ; les seconds pouvant être comparés à des limites de parcelles, des fossés de clôture pour reprendre le terminologie d’Héricart de Thury.

   On aura compris que la faible largeur des parcelles bordées par ces voies d’eau, a permis pendant très longtemps (avant la motorisation des équipements) l’arrosage des cultures par simple aspersion de l’eau à partir des voies d’eau, à l’aide de l’écope.     Ce procédé a été parfaitement décrit par des ingénieurs, comme A. Ronna ou Max Ringelmann.

« Si le terrain est vierge, si la tourbe n’a pas été exploitée, on se borne à défoncer le sol de deux fers de bêche. Enfin le terrain bien préparé et nivelé est partagé par aires ou petits parallélogrammes, au moyen de rigoles ou canaux de deux mètres de largeur, s’étendant d’un bras à l’autre de la Somme. La longueur de chaque aire est indéterminée, elle dépend des facultés de l’hortillon, quant à la largeur, elle est de trois à quatre mètres au plus, celle que l’on peut arroser au moyen d’une pelle ou (d’une) écope, en puisant (l’eau) du bord de l’aire dans le canal » (Héricart de Thury, 1833, pp. 15-16)

   Il nous sera difficile, en l’absence de données, de connaître la physionomie de nos hortillonnages, à leur origine, ainsi que leur extension au fil des siècles antérieurement au XIXème. On peut raisonnablement penser que compte-tenu de la qualité des terres et de leur rendement, le site n’a pu que s’étendre progressivement jusqu’à atteindre les limites qu’on lui connaît au XIXème siècle.

   Cette recherche sur l’étendue et le développement des hortillonnages dans le temps est d’autant plus difficile qu’il faut avoir présent à l’esprit que l’ensemble de la vallée de la Somme, dans le secteur concerné, a subi de profondes modifications que nous avons du mal à appréhender. En effet, dès l’époque romaine, puis au moyen-âge, le développement de la ville, l’aménagement des faux bras de la Somme (avec l’implantation des premiers moulins), l’exploitation de la tourbe, la modification (très importante) du cours de l’Avre et la canalisation de la Somme (1825), la création de la ligne de chemin de fer (1846) ont transformé le paysage.

   Aussi, faut-il imaginer la Somme, avant sa canalisation au début du XIXème, comme un fleuve de faible débit, qui peine à couler dans une vallée alluviale très large, encombrée de marais d’où émergent nombre d’îlots de verdure et de friches. Aujourd’hui, comme pour la majorité des auteurs du XIXème, nous avons en tête une représentation des hortillonnages qui n’était pas, bien entendu, celle des premiers siècles.  L’image que nous en avons est bien celle offerte par exemple par les remarquables plans du cadastre napoléonien où le parcellaire si caractéristique des hortillonnages se développe de part et d’autre de la Somme ; l’ensemble des rieux se greffant en quelque sorte sur le fleuve qui devient alors la véritable colonne vertébrale du site, l’axe privilégié pour la navigation et le transport des productions maraîchères vers la ville.

   Nous pensons donc – et c’est une thèse que nous défendons – que le parcellaire tel que nous le connaissons aujourd’hui, tel que nous le décriront les auteurs qui vont se succéder tout au long du XIXème siècle, sera mis en place, ou sera remanié à la suite de ces grands travaux. Un paysage dont on comprendra l’originalité en observant par exemple les remarquables plans cadastraux édités à partir du milieu du XIXème.

 

DIA  Comprendre le paysage et son histoire

   Nos hortillonnages seront dès lors présentés comme s’étant développés de part et d’autre des rives de la Somme. Cette présentation a pour fâcheuse conséquence de sous-estimer le rôle joué par l’Avre, affluent de la Somme (en rive gauche) lorsqu’on tente d’esquisser la genèse de nos hortillonnages. L’Avre, comme nous pouvons le constater sur ces deux plans (celui de 1542, puis un plan du début du XVIIIème) longeait, parallèlement le cours de la Somme d’est en ouest, et traversait la ville jusqu’à son point de confluence situé alors en aval d’Amiens (Aujourd’hui, la confluence de la Somme et de l’Avre se situe à une vingtaine de kilomètres à l’est de la Ville, (café de la mère Farine ! dont on taira la destination).

   Pour nous, c’est bien, autour et de part et d’autre de l’Avre, à la sortie Est de la ville, que se trouve le cœur historique de nos hortillonnages. La confrontation de nos plus anciennes sources manuscrites (datant de la fin du XVème siècle), et des documents cartographiques (comme le plan de 1542 et les plans du XVIIème) est pleine d’enseignement.

   En 1889, l’historien et membre de l’académie d’Amiens, Auguste Janvier, semble être le premier à faire référence à un manuscrit daté du 17 décembre 1492. Le 17, écrira-t-il,

« l’échevinage reçoit une requête pressante des hortillons, sur ce que depuis la surprise d’Arras par les Bourguignons, on a clos de jour comme de nuit la Barbaquène, huis de nuit et barrières qui faisaient et font sécurité sur la rivière Somme descendant partie au pont du Cange et l’autre au rieu du Hocquet et ne peuvent passer en bateaux pour aller à leurs aires pour labeurer… » (A. Janvier 1899)

   Une nouvelle requête sera formulée par les hortillons, 5 ans plus tard.

« Lors de la séance du 21 novembre 1496, Gilles Castelain, Jehan Castelain et d’autres hortillons présentèrent une requête aux échevins afin qu’une clé fut délivrée à l’un d’eux pour ouvrir et fermer les chaîne et herse qui fermaient le pont de la tour de la Brèche ou que cette ouverture soit faite quotidiennement. Par ce pont, les hortillons habitant au lieu-dit « la Haie », situé à l’intérieur de l’enceinte urbaine, pouvaient entrer et sortir de la ville avec leurs bateaux en empruntant le cours de la rivière Avre qui fluait sous ce pont. Par cette rivière, ils accédaient ensuite à leurs « aires »… (Ch. Cloquier, 2007)

   A la fin du XVème siècle, Jehan et Gilles Castellain sont, avec d’autres hortillons, signataires d’une supplique adressée à l’échevinage (le 17 décembre 1492) afin de solliciter le passage de leurs barques par la « Barbaquène », cette ouverture étroite au niveau du Pont du Cange alors close de jour comme de nuit pour des raisons de sécurité… (cité par A. Janvier, 1889)

   La fermeture de ce passage à la fin du XVème siècle, de jour comme de nuit, pour protéger la ville de nouvelles agressions, était un sérieux handicap pour les hortillons qui ne pouvaient se rendre sur leurs aires. Ce qui les conduisit à présenter à l’échevinage une requête le 17 décembre 1492 qui fut suivie d’une autorisation de passage de 7 heures du matin à quatre de vespres (Janvier A., 1889, p.187)

 

DIA     Quel périmètre, quelle superficie ? …

   L’actualité de ces derniers mois (qui a mis en ébullition le « monde des hortillonnages » pour des raisons que je ne peux développer ici faute de temps) a réactivé le débat sur la définition du périmètre des hortillonnages … (débat d’autant plus agité que ce périmètre conditionne la levée ou pas de redevances pour les 1230 propriétaires de parcelles et la prise en compte ou pas de l’entretien des rieux et voies d’eau circonscrits à l’intérieur de ce périmètre).

   Quelle superficie retenir pour nos hortillonnages au XIXème ? Pour répondre le plus précisément possible à cette question, nous devons tout d’abord nous entendre sur la définition même des "hortillonnages" et leur localisation et là, le retour aux sources documentaires s’impose… Nous constaterons que les auteurs ne s’accordaient guère sur l’étendue de nos hortillonnages, tout au moins à partir de 1870. A leur maximum d’extension, nos hortillonnages couvraient-ils 100, 300, 500, 800, 1000 hectares (et pourquoi pas 1500 ha comme on a pu le lire encore dans une publication récente !).

   Pour la première moitié du XIXème siècle, les auteurs comme Héricart de Thury en 1833, et ceux qui, par la suite, s’inspireront de ses travaux (Marc Antoine Puvis en 1839, Arsène Thiébaut de Berneaud en 1839, Courtois-Gérard en 1858) semblent s’accorder sur une superficie d’une centaine d’hectares. Je dois préciser qu’Héricart de Thury s’est bien rendu sur place pour la rédaction d’un rapport sur lequel nous allons revenir dans un instant et que l’on peut par conséquent valider cette information.

   Par contre, à partir des années 1870, les estimations varieront selon les auteurs : 800 ha pour Boitel, inspecteur (1870), Ronna ingénieur (1889), Baltet (1895) ; 1000 ha pour P. Joanne, auteur d’un dictionnaire géographique… (1890) ; 500 ha pour Rattel, érudit amiénois (1890), Demangeon, géographe connu pour son ouvrage sur la Picardie (1905), et Montclar (1912) …

   La localisation la plus souvent reprise tout au long du XIXème siècle sera celle énoncée par Héricart de Thury. Pour lui :

« L’hortillonnage s’étend dans la vallée de la Somme : 1° au-dessus de la ville, dans la commune d’Amiens et dans celles de Camont (sic), la Neuville, Longueau, Rivery et Formanoir dans la vallée de l’Avre ; et 2° au-dessous de la ville, dans le faubourg de Ham (sic)  et dans la vallée de la Celle »

« On estime que l’étendue des hortillonnages est de plus de cent hectares, tant sur la commune d’Amiens que sur les communes voisines » (Héricart de Thury, 1833, p. 14)

« L’hortillonnage s’étend, d’une part, au-dessus d’Amiens, dans la commune de ce nom et dans celles de Camont (sic), La Neuville, Longueau, Rivery et Formanoir dans la vallée de l’Avre ; de l’autre part, au-dessous d’Amiens, dans le faubourg de Ham (sic) et dans la vallée de la Celle » (Thiébaut de Berneaud ,1839)

« Les marais de la Somme, cultivés par les jardiniers maraîchers connus sous le nom d’hortillons, ont une haute valeur ; leur étendue dépasse 100 hectares » (Courtois-Gérard, 1858, p. 108)

 

Seconde moitié du XIXème siècle

« Il existe sur la rive droite de la Somme, en deçà et au-delà d’Amiens, une culture maraîchère particulière, que l’on appelle hortillonnage, et qui est exécutée par des jardiniers-maraîchers, que l’on désigne sous le nom d’hortillons. Cette culture paraît avoir été importée à Amiens par les Hollandais, vers 1560 et même avant cette époque ; elle occupe environ 800 hectares dans les communes d’Amiens, de Camon, de la Neuville, de Longueau, de Rivery, de Formanoir, et sur différents points des vallées de l’Avre, de la Celle et de l’Agrapin » (M. Boitel, 1870)

« L’hortillonnage de la vallée de la Somme qui occupe plus de 800 hectares, en amont et en aval d’Amiens et des communes voisines, est basé sur l’exploitation des marais tourbeux ou aires, depuis la plus haute antiquité » (A. Ronna, 1889)

« Hortillonnages », on donne ce nom aux marais tourbeux consacrés à la culture maraîchère dans la vallée de la Somme, aux environs d’Amiens, et le long de quelques autres rivières. Cette culture s’étend sur 1000 hectares environ » (P. Joanne, 1890, p. 4694).

« L’hortillonnage légendaire d’Amiens s’étend sur 800 hectares de tourbières et d’alluvions, vallée de la Somme, sur les territoires d’Amiens, de Camon, de La Neuville, de Longueau, de Rivery, de Renancourt, de Montières, de Longpré ». (Charles Baltet, 1895)

« Ce sont les « hortillonnages », répartis entre 13 groupes qui couvrent environ 500 hectares d’une terre noire, ils appartiennent aux communes d’Amiens, de Rivery, de Camon et de Longueau. Par emplacement, comme par leur entretien, les hortillonnages représentent de véritables conquêtes sur le domaine aquatique » (Albert Demangeon, 1905)

 

DIA    Etendue (suite)

   Les propositions de 800 hectares, comme celle de 1000 hectares, pourront être vite rejetées en gardant l’exclusivité de l’appellation « hortillonnages » aux aires aménagées en amont de la ville, essentiellement accessibles par bateau, comme l’a fort bien précisé notre académicien Pierre Dubois (en 1907) et justifié une trentaine d’années plus tard Jean Dufour (en 1937). Pour Pierre Dubois (1907) en effet :

« Les hortillonnages proprement dits couvrent une superficie de plus de 300 hectares, en amont immédiat d’Amiens. Ils commencent sur les bords de l’Avre, affluent de la Somme, à 6 kilomètres de la ville, entre Boves et Cagny ; ils tendent actuellement à se développer dans cette direction. Puis ils s’élargissent devant Longueau, autour de Camon, sur les deux rives de la Somme canalisée, jusqu’aux premières maisons d’Amiens ; leur largeur, du sud au nord varie entre 2 et 3 kilomètres »

« Nous n’appelons pas hortillonnages des marais récemment appropriés à l’imitation de ceux de Camon et situés à l’ouest d’Amiens, en aval, à Renancourt, à Dreuil, à Longpré-les-Amiens » (Pierre Dubois, 1907, p. 14)

   Pour Jean Dufour (1937), à l’intérieur même de la section de plaines alluviales occupées par les jardins, il existe entre les 325 hectares situés à l’amont et les 200 hectares situés à l’aval d’Amiens, des différences capitales :

« Le courant de la Somme favorise d’un côté et défavorise de l’autre l’acheminement des légumes par voie d’eau vers le marché de la ville. A l’amont, où ce mode de transport est le seul usité, on a donné aux fossés creusés pour l’assainissement du marécage des proportions qui en font de véritables canaux de navigation. En aval, au contraire, ce ne sont que des rigoles de drainage, inaccessibles aux barques, même discontinues. De là, dans l’aspect du marais humanisé, et dans les conditions de son exploitation de telles inégalités qu’il faut refuser à l’encontre de Rattel à considérer les jardins d’aval comme une partie intégrante des hortillonnages, qui est, par définition, un domaine maraîcher où tous les transports se font uniquement par bateau ».

   Nous sommes très loin des 1000 et encore moins des 1500 hectares (2) comme nous pouvons le lire encore dans des publications récentes. Non seulement, il s’agit là d’une erreur importante, mais cela dénote une réelle méconnaissance du site et de la justification de son aménagement. C’est ignorer notamment le choix de son implantation aux portes de la ville, son extension de part et d’autre des rives de la Somme, principal axe de circulation emprunté par les hortillons, mettant à profit le sens du courant, pour le transport des productions (dont le poids total pouvait atteindre 2 à 3 tonnes, barque comprise) vers leur lieu de distribution, à savoir le « marché sur l’eau ».

   Nos hortillonnages, tels que nous les avons définis en prenant en compte les propositions de Pierre Dubois et Jean Dufour, ont donc atteint au XIXème leur extension maximum, que l’on peut estimer raisonnablement à environ 300 hectares.

 

DIA    Un site unique. Les encyclopédistes

A la fin du XIXème, les encyclopédistes accueilleront le mot dans leur dictionnaire. Dans son édition de 1866, le « Grand dictionnaire universel du XIXème siècle » de Pierre Larousse s’empare du mot « hortillonnage » et en donne une définition assez précise :

« Hortillonnage :

1. Nom donné, en Picardie, à des marais, entrecoupés de petits canaux, qu’on exploite, au moyen d’importantes fumures, pour la production des légumes et des fruits.

2. Ce mode de culture. « Dans les environs d’Amiens, il existe un vaste espace formé par les bras de la Somme, et qui est mis depuis longtemps en culture maraîchère. Les chemins de communication sont ici remplacés par des canaux, et les ouvriers, ainsi que les produits, sont transportés dans des barques. Le sol est tourbeux et imprégné d’une humidité permanente ; grâce à d’abondantes fumures, on y obtient des produits considérables, surtout en gros légumes herbacés. Ce sol a été, du reste, en quelque sorte créé par l’homme ; il occupe l’emplacement d’anciens marais ; des coupures savamment distribuées, la terre rejetée sur les parties émergées, ont permis de mettre en valeur ces terrains infertiles »

   Cette définition sera reprise dans les autres éditions du Grand Larousse comme celle de 1873. E. Littré accueille le mot en 1886 dans son « Dictionnaire de la langue française ». Il sera moins prolixe, mais fait référence à une publication intéressante publiée en 1870 que nous avons déjà exploitée plus haut.

« Hortillonnage – Nom, dans la Somme, de terrains tourbeux conquis sur les eaux, où l’on fait une culture maraîchère (les Primes d’honneur, Paris, 1870, p. 71)

Les tourbières assainies des environs d’Amiens sont converties en hortillonnages, et elles produisent annuellement de beaux et nombreux légumes (Heuzé, la France agricole, p. 10) »

   Nous retiendrons donc que :

- Le mot « hortillonnages » est bien réservé, exclusivement, pour définir ce paysage humanisé et bien circonscrit à cette unique partie de la moyenne vallée de la Somme, en amont d’Amiens.

- Les encyclopédistes ont pris soin de limiter l’appellation « hortillonnages » aux environs d’Amiens, et qu’en aucun cas, ils ne proposent de l’attribuer à d’autres régions de France.

- Les hortillonnages présentent par ailleurs des caractéristiques propres qui en font un site unique et ce, bien que des analogies aient été signalées avec d’autres lieux où a pu se développer une activité maraîchère, en Picardie (ex dans la région de Ham, les hardines), en France (comme les marais de l’Audomarois à St Omer, les marais poitevins ou encore les marais de Bourges) ou à l’étranger…

 

DIA  Quand HERICART DE THURY attire l’attention de la ville et de l’académie…

   Si nous poursuivons la galerie de portraits des personnalités que nous avons inaugurée avec François de Neufchateau, nous devons nous attarder sur un autre homme politique, spécialiste des questions agricoles, Héricart de Thury.

Louis-Etienne François Héricart-Ferrand de Thury (1776-1854), homme de sciences passionné par l’horticulture, fut l’un des principaux fondateurs de la Société d’horticulture de Paris (qui précéda la SNHFrance)                       .                                             

Inspecteur général des mines, homme politique, député de l'Oise, puis de la Seine,

inspecteur général du service des carrières de Paris (1809-1831),

membre libre de l'Académie des sciences (élu en 1824),

associé libre de l'Académie nationale de médecine (en 1825),

membre fondateur de la Société nationale des antiquaires de France (Académie celtique), de la Société séricole, de la Société d'horticulture et de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale.

Membre associé de l’Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts de Savoie (1850)

Auteur de plus d’une centaine de rapports sur la culture maraîchère de la France parmi lesquels nous retiendrons tout particulièrement :

-  son « Rapport sur la culture maraîchère des environs de Paris », publié en 1839 ;

-  son « Rapport sur le concours du manuel théorique et pratique de la culture maraîchère des environs de Paris », présenté au cours d’une séance publique le 14 avril 1844 

-  son « Rapport sur le dessèchement des terres humides et marécageuses et leur mise en culture », présenté à la Société royale et centrale d’agriculture et publié dans les Mémoires de cette société en 1846

-  et, surtout, l’étude sur les hortillonnages à laquelle il associa d’ailleurs un hortillon d’Amiens, Louis-Auguste Cauchetier, qu’il présenta au cours d’une séance de la Société d’Horticulture de Paris le 9 juin 1833 et qu’il publia la même année.

   Si, comme nous l’avons déjà énoncé, Pierre Dubois, membre de l’académie d’Amiens, a pu écrire en 1907 que « l’histoire des hortillonnages restait à écrire », il n’en reste pas moins qu’Héricart de Thury sera sans conteste celui qui en écrivit les premières pages dès 1833. Ses travaux seront repris systématiquement par les auteurs qui suivront…

(ce qui est, ma foi vrai, au début du XXème, si l’on s’en tient à la genèse et à l’évolution du site durant les premiers siècles, période qui nécessitait de la part des chercheurs potentiels de se pencher sur les sources manuscrites précieusement conservées dans les services de nos archives départementales et municipales)

   Si les publications les plus anciennes auxquelles nous nous référerons remonteront à la fin du XVIIIème siècle, la grande majorité sera publiée tout au long du siècle suivant, à une époque où l’une des principales préoccupations des auteurs sera de se pencher sur les perspectives de développement de l’agriculture française. Les principales contributions seront en effet le fait d’agronomes, d’horticulteurs, de présidents et membres de sociétés savantes, de spécialistes et d’enseignants du monde agricole, d’économistes et d’hommes politiques ; exceptionnellement, quelques historiens…

   Parmi les principaux auteurs, deux nous livreront, pour le XIXème siècle, une synthèse intéressante sur les hortillons ; leurs observations seront d’ailleurs régulièrement reprises : ce sont, pour le début du XIXème siècle, Héricart de Thury (1833,1838) (1), puis, pour la fin de ce siècle, Th. Rattel (1890) (2).

_______________________________________________________________________________________________________

(1)    Héricart de Thury : Voir page ci-contre

Cf. Héricart de Thury (1833). « Notice statistique sur les hortillonnages de la vallée de la Somme (et médaille d’honneur décernée à Louis Auguste Cauchetier par la Soc. d’horticulture de Paris. Notice sur les hortillons des environs d’Amiens)», Paris, 1833, Impr. E. Duverger, in 8°,  pp. 11-27

Cf. Héricart de Thury (1838). « Notice sur les hortillons des environs d’Amiens », in Journal d’agriculture pratique, de jardinage et d’économie domestique n° 4, octobre 1838, pp. 168-171

(2)    Rattel Th., pharmacien, érudit amiénois. Cf. Rattel Th. (1890). Les hortillonnages d’Amiens ou l’art de transformer les marais improductifs et insalubres en saines et riches cultures maraîchères, Impr. Yvert et Tellier, 185 p., plan

(3)    Cf. Héricart de Thury (1839). « Rapport sur la culture maraîchère des environs de Paris », in Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, éd. Soc. royale d’agriculture de Paris, Paris, 1839, chez Mme Vve Huzard,  pp. 206-224

(4)    Cf. Héricart de Thury (1844). « Rapport sur le concours du manuel théorique et pratique de la culture maraîchère des environs de Paris », Impr. Vve Bouchard-Hazard, Paris, 1844, 20 p., 28 ill. (présenté au cours d’une séance publique de la Soc. royale et centrale d’agriculture le 14 avril 1844)

(5)    Cf. Héricart de Thury (1846). « Rapport sur le concours du dessèchement des terres humides et marécageuses et leur mise en culture », in Mémoires d’agriculture, d’économie rurale et domestique, éd. Soc. royale d’agriculture de Paris, Libr. de Mme Vve Bouchard-Huzard, 1846,  pp. 70–71

 

BB

Notez dès à présent que l'Académie ouvrira ses portes lors de la nouvelle édition des Journées du Patrimoine, le samedi 20 septembre 2025 (de 10 à 17 heures).

Les membres de l'Académie vous accueilleront dans leur local situé à la Bibliothèque municipale d'Amiens (rue de la République).

A cette occasion, nous devrions pouvoir présenter * (sur les grilles d'entrée de la Bibliothèque municipale) une exposition de photographies sur nos Hortillonnages...

(*) si la météo nous est favorable !

Pavillon de l'Académie des Sciences, lettres et arts d'Amiens;

cour de la Bibliothèque municipale d'Amiens (Photo B. Bréart, 2024)


L'extraction de la tourbe dont les "intailles" sont une des composantes du paysage de notre vallée de Somme et tout particulièrement des Hortillonnages a été évoquée lors d'une récente conférence présentée le 19 mai 2025 par Monique Crampon membre titulaire de l'académie. Sa communication: "Tourbiers et tourbières, en Picardie et ailleurs, sur les pas de Léon Duvauchel et Alphonse de Chateaubriant" devrait être publiée dans les prochaines Mémoires de l'Académie...

 

                                                  PLUS D'INFOS: Voir notre page:  les hortillonnages et l'académie 2  *


Pour me contacter: Un simple clic sur CONTACT  *